Humani’trail – Le Récit d’une tranche de vie pas comme les autres
« Cool le duel peut reprendre… »Une portion de relance avant d’aborder la montée du grand chamossaire, environ 400 m D+, je mets les gaz, je me teste, je sens qu’il s’accroche mais qu’il est dans le dur, je continue et finalement il lâche seconde après seconde. Au sommet, j’ai 2 min d’avance ! Je me sens bien, à ce moment là, rien ne peut m’arrêter… ou du moins c’est ce que je crois !!! Plusieurs faits de course vont animer ma fin de course. Premièrement, une erreur de parcours sur une portion doublement balisée qui m’emmène de nouveau sur la première crête, on me fait redescendre, 2-3 min de perdu dans l’affaire et surtout, ce diable de Robbie qui m’a de nouveau en point de mire ! En plus je ne sais pas vraiment comment il se comporte en descente et sur la dernière partie de relances…je fais le forcing mais soudainement, mes mollets se durcissent, des signes de crampes !!!Oh non, et toutes mes pastilles de sel sont avec Maya, quel débutant ! va falloir serrer les dents ! Je fais donc une bonne partie de la descente sur les talons ce qui a le don de réveiller mes cloques toujours sensibles depuis l’UTMB ! Sur la partie finale sur la piste vita, les mollets ne me gêne pas et je peux dérouler pour venir cueillir une première victoire à l’Humanitrail après la déception de l’année passée ! Très content des sensations même s’il y a encore du travail pour être performant dans un mois aux championnats du monde et légèrement contrarié par mes ampoules au talon qui n’ont pas eu le temps de se soigner ! Y a plus qu’à… Et pendant ce temps là….Maya est toujours en course, à batailler comme une lionne dans le Drudy ! Je file la rejoindre au col du Pillon après mon podium afin de partager les 3 dernières heures avec elle et Antoine. Au Col du Pillon, je cours à contresens pour les retrouver, je croise plein de courageux, certains me reconnaissent et de les voir me sourire, me féliciter est toujours un sentiment particulier car ils sont en pleine souffrance et ils trouvent la force d’échanger quelques mots avec moi.
« Ces moments de partage sont marquants, de vrais moments d’Homme à Homme, profonds, sincères, intenses…que c’est bon dans une société marquée par l’individualisme. »Je les retrouve, Maya me sourit, me fait des signes mais je perçois tout de suite que la machine est fatiguée…je la trouve pâlichonne. Ni une ni deux, on poursuit notre route à trois en direction du ravitaillement du Pillon, elle souffre d’ampoules mais c’est surtout un manque d’énergie général qui l’habite ! Au ravitaillement, nous arrivons 15min avant la barrière horaire qui est très serrée pour une course de cette difficulté, jugez vous-même 12h30 pour 56km et 3600 D+ c’est solide ! Elle s’alimente mais sporadiquement et sous la contrainte, elle n’a pas envie pourtant, sa survie dépend essentiellement de ça à ce moment de la course car musculairement son état n’est pas si alarmant… En partant du ravitaillement, elle rebooste même un groupe de vosgiens, assis et qui tardent à repartir, ils sont trois dont un père et son fils (Dominique et Jérémy)… Ce que je trouve formidable dans le trail c’est ce partage, cette solidarité pour s’entraider et aller au bout du challenge, de l’aventure, du rêve, des valeurs fondamentales que tout le monde devrait appliquer dans son quotidien…Ils s’exécutent et repartent avec nous, gentiment ces 3 heures qui nous séparent de la ligne d’arrivée avec une terrible montée vont se transformer en une aventure mémorable.
« je pensais accompagner ma femme dans sa première réelle longue distance et je vais me retrouver face à un fabuleux moment d’échange, de complicité avec des personnes qui m’étaient totalement inconnues il y a quelques minutes de cela . »La « Palette » est terrible, un véritable mur qui n’admet pas la moindre défaillance, les pas deviennent lourds, le regard suit chaque pas au rythme d’un zombie, l’heure n’est pas à la parole. A ce moment de la course, les corps sont lourds, les jambes titubent, sans bâtons Maya avance, pas après pas, chaque déplacement est couteux en énergie…une énergie qui fait défaut. La tête prend le relais, à l’instar d’un robot, elle enchaîne les lacets, 30%…40%…45% de pente qui sait ! Je regarde vers le haut, puis je me tourne et regarde vers le bas, ils sont tous dans le même état, certains s’arrêtent, prennent appui sur leurs bâtons, le mur semble insurmontable….une atmosphère se crée, sans parler tous ces coureurs se soutiennent, se donnent la main, leurs regards se croisent, ils se donnent du courage. Je me rend compte de la chance que j’ai d’assister à ce spectacle, une tranche de vie intense, profonde, un moment de trail…. La femme de ma vie avance toujours dans la douleur, je ne peux rien faire pour elle, elle va devoir puiser au fond d’elle-même…ignorer la douleur, pas vraiment, simplement l’accepter comme un compagnon de route, lui donner la main, lui parler, elle fait désormais partie de l’aventure jusqu’au bout… Au sommet, la vue est incroyable, un 360° qui nous laisse bouche bée, ils l’ont fait, la quasi totalité du dénivelé est derrière… certains se reposent 5 min, d’autres regardent le chemin parcouru et celui qu’il reste…encore 8km !Le soleil baisse à l’horizon, la température est idéale, les couleurs splendides ! Antoine souffre du genou, David, l’américain, d’un peu tout, comment fait-il pour s’accrocher alors qu’il donne des signes d’extinction totale, Dominique, son fils Jérémy et son ami Boris, les vosgiens, soudés, souriants, marqués par l’effort mais fantastiques dans l’esprit, plus d’autres courageux qui se sont tantôt accrochés à notre wagon tantôt décrochés…certains pour mieux revenir d’autres pour nous distancer…une saga, un ballet de traileurs faisant tout pour rester en vie… Stephen King est dans ma mémoire, un remake de « Marche ou crève » à la différence qu’ils seront tous gagnants et qu’ils se sentiront encore plus vivants à l’arrivée…un peu moins le jour d’après ;-) Nous plongeons dans la descente après un long faux plat montant où je partage quelques unes de mes aventures en Ultra avec Jérémy, un vrai moment de partage, au coucher de soleil, entre traileurs… que demander de plus ! La descente est technique, les visages se crispent, les pieds souffrent, les cloques se réveillent, les cuisses suffoquent !Les passages dans les champs raides sont terribles, Maya serre les dents, des petits cris s’échappe de sa bouche à chaque pas…
« Chaque pas lui fait mal mais chaque pas la rapproche de son but…chaque pas la rapproche de la victoire, une victoire sur soi-même, une victoire partagée, la plus belle des victoires… »Chapeau bas mon ange, chapeau bas les gars, merci Antoine, merci Traileurs avec un grand « T », de donner à ce sport ses lettres de noblesse….tout simplement magnifique ! Merci à Matthias Lehmann pour les photos en course! A bientôt pour des nouvelles aventures et quelques articles originaux Suivez-moi sur ma page facebook: Diego Pazos « Zpeedy » , sur Instagram: diegopazos_ et sur Twitter!
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